Confessions fictives

par | 28 Sep 2021 | Littérature, travaux

Confessions fictives faites par les élèves du profil Lettres et écriture journalistique dans le cadre d’un atelier d’écriture donné par Simon Brousseau pour le cours Roman et récit.

 

Peur bleue

par Léa-Jade Duhamel

Vivant au jour le jour dans mon Westfalia rouge passion, je me baladais d’état en état, de province en province et de pays en pays. Toujours accompagné de ma guitare acoustique, je roulais à toute vitesse sur les routes de l’aventure. Il devait être approximativement 20 h lorsque j’ai repris la route après une escale chez une amie d’une amie qui m’avait donné de l’eau-de-vie et des plantes dites « médicinales ». C’est sur la chanson Highway to Hell, qui venait juste de sortir et que je chantais à tue-tête, que je l’ai aperçue juste devant moi : la biche. L’impact fut brutal, mais sans douleur pour l’animal. Je n’ai pas osé m’arrêter après l’avoir écrasé, j’ai continué mon chemin. Je n’ai jamais cessé de revoir la peur dans ses yeux. Depuis, pour me procurer un sentiment de pardon face à mon acte, je n’ai plus consommé de viande.

La dernière goutte
est celle qui fait
déborder le vase 

par Sara Mili Larose Coco

Hier, j’ai cassé le vase de ma colocataire. C’était un accident, un coup de coude dans la mauvaise direction pendant que je passais l’aspirateur. Lorsque ma colocataire est rentrée, je lui ai menti en disant que c’était son chat qui l’avait fait tomber. Elle avait l’air peinée, le vase était un cadeau de sa mère. J’en ai rajouté, en disant que j’avais eu beaucoup de mal à ramasser les fragments du vase sans me couper les mains. Elle s’est excusée et est partie tristement vers sa chambre. Le problème, c’est que je n’éprouve aucune culpabilité à avoir pulvérisé cet objet auquel elle tenait tant. Pour tout vous dire, c’était le vase le plus laid que j’aie jamais vu. Peint avec un jaune ocre douteux et des tons de vert et de bleu criards, il vous arrachait les yeux dès qu’on les posait dessus. Il fallait vraiment avoir un manque de goût terrible pour vouloir acheter un objet aussi hideux. Le vase immonde avait aussi une forme grotesque. On voyait qu’on avait voulu reproduire une forme classique, mais c’était sans compter l’inexpérience de son auteur, qui avait négligé des principes physiques de base, de sorte que l’objet maudit s’affaissait sur la gauche. Il donnait l’impression qu’il allait, à tout moment, s’allonger sur son lit de mort, et c’est l’envie qu’il donnait aux yeux qui l’observaient. J’ai poussé un soupir de satisfaction lorsque je l’ai vu écrasé par terre. Croyez-moi sur parole, si le hasard ne s’en était pas chargé, je l’aurais moi-même volontairement lancé par la fenêtre et j’en aurais éparpillé les pièces aux quatre coins du monde pour que personne ne pose jamais plus le regard dessus.

Twitter : @société.d.aujourd.hui ・7m

par Maeva Mongobert

Selon certains scientifiques, le réchauffement climatique aura de nombreux impacts à travers le monde d’ici quelques années : la fonte des glaciers mènera à l’extinction d’espèces animales et végétales, le niveau des mers va augmenter. Mais, soyons honnêtes, lorsque nous vivons dans un pays comme le Canada, pays dans lequel les ressources naturelles comme la forêt et l’eau sont en abondance, avons-nous vraiment besoin de nous inquiéter tant que ça? Je ne suis pas prête à changer la grande partie de mon mode de vie pour des générations futures dont je ne ferai même pas partie. 

Donc non, je ne changerais pas ma Ford dernier cri pour une voiture électrique qui va ruiner mon portefeuille. Non, je ne vais pas arrêter de manger de la viande, parce que maudit que c’est bon le bœuf! Et non, je ne vais pas arrêter de me gâter en faisant des voyages pendant les vacances. Tout ce que j’ai, je le mérite, j’ai travaillé fort pendant des années : études, études et encore études pour me retrouver avec une job qui a de l’allure! J’ai le droit de dépenser mon argent, durement récolter, à ma guise, non? C’est la moindre des choses. 

Je fais déjà le tri de mes déchets, c’est assez pour moi.  

Le fond de l’évier

par Simone Côté

Ma mère ouvre la porte, laisse entrer la lumière, la mine sombre. Je vois la journée qui pèse sous ses yeux. Une autre journée à l’hôpital. Une autre journée à rattraper la COVID, éviter qu’elle ne lui glisse entre les doigts. Une autre soirée où je vais la laisser tomber, doucement, discrètement, silencieusement. Sans qu’elle s’en rende compte vraiment parce que c’est ma mère, parce qu’elle carbure à l’énergie du désespoir depuis mars 2020. Un découragement, un cerne de plus ou de moins…  Elle s’active au-dessus des chaudrons. La vapeur d’eau perle les rides de son front. Elle farfouille dans les armoires de la cuisine avec la fougue du dernier souffle. Je la connais inépuisable, invincible. C’est peut-être ce qui motive mes petites lâchetés quotidiennes, le confort que je trouve dans l’indifférence. Je regarde le tas de pantalons retournés, délaissés sur le plancher de ma chambre, l’accumulation de feuilles à classer, abandonnées dans l’imprimante, la pile d’assiettes, négligées dans le fond de l’évier, puis rien. Je préfère me réfugier dans des univers où l’idée et l’image animent. Je m’agrippe à la page, à l’écran. Des heures à perdre pour gagner une destinée sans avoir à travailler. Je m’imagine Gryffondor sans avoir à l’être. Quand j’entends l’appel de la réalité, sa voix crier « souper », j’ai un pincement au cœur. Arrivée dans la cuisine, je me vois jusque dans le fond de l’évier, comme une trainerie, un fardeau. Pourtant, je ne m’en fais pas trop. Je sais qu’elle saura s’attaquer aux petits problèmes comme elle s’attaque aux plus gros, du genre pandémique. Moi, je continue de laisser les dates d’échéances filer, sourde aux opportunités.

Charme temporaire

par Béatrice Larin

Je n’ai pas de meilleur ami. Je ne suis pas un incapable en amitié, au contraire. On dit de moi que j’ai cette aisance naturelle à approcher les gens, à les rendre confortables. Ce n’est pas seulement flatteur, c’est parfaitement vrai. Si j’en éprouve l’envie soudaine, je peux me faire ami avec le p’tit emballeur blasé de l’épicerie, la vieille dame aigrie qui sort son chien quatre fois par jour, le type égaré qui demande à quelle heure passe le métro ou le policier un peu macho qui respire l’autosatisfaction, vraiment, n’importe qui. Ma liste de contacts fait verdir de jalousie à des kilomètres et de toute évidence, j’en retire une certaine fierté. Mais aussi disparates soient-ils, mes amis se ressemblent tous. Tous si quelconques et surtout si prévisibles. C’est qu’ils sont de passage, ils m’affectionnent un temps, puis ils se lassent immanquablement et me rangent dans un tiroir, celui dont on a honte, celui tout encombré de pacotilles. C’est à peine s’ils m’appellent le jour de ma fête. Ils sont occupés, ils passent dire bonjour un mardi, à une heure incongrue, puis ils abandonnent leur comédie et je n’existe plus. C’est ma faute aussi : j’ai mes limites. Il y en a qui craignent l’engagement amoureux, moi, je recule devant l’amitié sincère. Aussitôt qu’un être me témoigne plus d’attention que nécessaire ou commence à me connaître outre mesure, je m’esquive, je me replie, je fais le trouillard. Il m’arrive de penser que j’ai gaspillé mon don. À quoi bon posséder ce talent envié de tous, si je me soustrais comme un pauvre lâche dès que l’amitié s’épanouit au-delà de la simple camaraderie? En guise de consolation, je me dis qu’au moins, personne n’a jamais percé le secret de mon charisme proverbial. Car si quelqu’un découvrait que je pratique l’hypnose, il me faudrait déployer des trésors de savoir-faire pour le lui faire oublier.

L’enfant égaré

par Ariane Morin

Je confesse qu’il y a trois jours, j’ai abandonné mon enfant dans la rue parallèle à ma demeure. Ce jour-là, une chicane de famille avait éclaté. Nous parlions de nos plans de vacances pour l’été et personne n’avait la même destination en tête. Bien évidemment, en tant que personne contrôlante, j’ai voulu décider de l’endroit où nous irions. Ma femme m’a reproché d’être ignorant et a osé me dire que je suis une mauvaise influence pour Samuel, notre garçon de quatre ans. J’étais fou de rage après avoir entendu ses propos. « Je suis l’homme de la famille, je décide », me suis-je dit. Je suis allé dans notre chambre pour espérer prendre un peu d’air et peut-être même me raisonner. Plusieurs heures sont passées et Daphnée, ma femme, est venue me retrouver dans la chambre, encore fâchée de notre dispute. Nous étions couchés, prêts à fermer nos paupières, quand le petit Samuel est apparu les larmes aux yeux. Comme sa mère, il est susceptible et pleure très souvent. Cette fois-ci, cependant, j’en avais plus qu’assez des pleurs, des crises et des chicanes répétitives. L’enfant est retourné dans sa chambre, bredouille. Quand ma femme était profondément endormie, j’ai fait irruption dans la chambre de notre enfant, je l’ai pris dans mes bras et je me suis enfui à toute vitesse. Arrivé à la rue parallèle de notre maison, j’ai déposé Samuel dans le froid glacial de l’hiver.